


MAISON AUZENE
8h48, Le 09/08/21
L’amour capitaine
La brume s’est estompée, tu m’as raccompagné, on s’est tus. Ta main sans douceur a tout avoué sans un mot. On naviguait sur ton océan à en connaitre chaque berge, chaque plage, chaque recoin pour quitter notre navire aussi sèchement qu’un regard sans sourire. Je suis descendu du pont, j’ai même trébuché.
Dans la panique, la flotte a jeté par-dessus bord toute mon imagination : mes rêves d’éternité, les fruits de ma passion, mes inquiétudes, et tout ce que je ne connaissais pas encore de toi.
J’ai beau trouver l’univers immense, rien n’est comparable à la distance qui nous sépare désormais. J’ai beau t’interpeller mais les matelots sourds défont les cordages, je hurle, mais l’ancre remonte mes larmes.
Ce vaisseau, je l’ai foulé de mon intimité, le voilà rejetant ma nature. Ils s’en moquent, ils la jettent à l’eau. Cette flotte saoule retourne ses armes contre moi, Elle, ma plus fidèle confidente, a emporté mes faiblesses et son souffle de pierre trahit désormais nos vestiges communs.
Inquiet sur le quai, je regarde la capitaine disparaitre de ma vie. Elle, si attentive, savait prendre soin des petites choses. De sa longue vue, elle respectait toujours l’océan, de sa légèreté naturelle. Mais je suis pétrifié. Elle saborde mes souvenirs, accoudée à une rambarde d’indifférence, elle fixe mon regard : plus un bruit ne subsiste. On ne souffre jamais du silence, seulement de l’oubli.
Les cordes sont lovées, le vaisseau agite les flots de mes regrets comme le craquement d’une écorce. La tempête se lève et la foudre casse le ciel. Les mouettes tournoyantes scandent mes torts d’une solitude impossible. Immobile et contraint de te voir partir sans un mot, c’est mon être tout entier qui s’effondre de ne pouvoir te retenir.
Mais quand tu pars, tu emportes avec toi le magnifique. Être la seule au milieu des autres comme un dû, ta silhouette marine disparait, arrachant tout ce qu’il me reste de vivant. Je contemple ton adieu d’un soin opiniâtre : L’écume de mes souvenirs meure au cœur des dauphins qui honorent ton départ.
Et pourtant, c’est moi qui ai quitté ton navire.