AU BORD D’UN LAC

18h29, Le 05/12/17

Un plaisir a deux facettes, qui tombe sans cesse sur une même tranche, une lame qui sectionne mes désirs pour me faire regretter.
Ce n’est pas mon univers qui se soulève chaque nuit, c’est un pari malsain. Une espérance bête. Un passage de l’obscurité au néant. Les draps s’emmêlent jusque dans nos pas. L’eau ose à peine caresser mon corps. Sale de soi. Une existence émoussée. Une statue rouillée. Céleste une fois installée et aussitôt oubliée.


On trimbale une rigueur telle une armure fissurée, une immunité de cristal. Scintillante, éclatante en surface mais sans consistance.
Pourquoi je m’élève hors de toute atteinte, lorsque l’obscurité a conjuré la rage pour conquérir des heures de paix. Sauvé d’une mascarade bruyante et des hommes. Je suffoque face à tant de présence.
3h04, et mes rêves s’agitent. De vastes minutes et ma conscience nait. Un bref répit, plongé dans l’inconsistance. Peu importe. Mes yeux s’entrouvre encore. Tant pis.


Réjouit à l’idée de dérober une solitude à l’humanité pour chaque heure passée dans le silence absolu de la nuit. Les feuilles se crissent sous le carbone et la poussière s’étale.
Ma main fluide glisse, concise et apaisée. A mesure que le soleil instaure sa présence, mes veines s’agitent.


Cette lumière est une intrusion. Contre mon consentement la vie m’échappe, un monde entier s’installe.
Alors je crayonne. Je disparais au fil des mélodies qui me font tout oublier. L’art est une fuite. Une échappatoire d’exception.


Rien n’est saisissable. Pas même le talent. J’applique mon cœur à l’ouvrage : me voilà évadé de ma cellule de vie. C’est un soupir récupéré. L’air caresse mes narines sans picotements, navigue en mon être un oxygène dénué de terreur. Ma poitrine se gonfle sous l’euphorie d’un rythme millénaire. Un infini rassurant. Une voix, un hurlement soudain n’omet aucun de mes membres et s’évanouit aussitôt au bord de mes lèvres.


C’est l’amour de l’instant. La minute que je fais mienne comme un trésor. Minute sans valeur aux yeux du monde, inestimable aux yeux d’un enfant. Qui nous lacèrent le cœur une fois qu’on nous en sépare, égaré dans une maturité et ses vieux discours. Quel mensonge.
Rendez-moi mon enfance et la légèreté. Le cartable trop grand qu’on ne peut oublier. Une poignée de bille enrobée d’amitiés à l’ombre d’un chêne anodin.


Te voilà adulte, quels mots terribles. J’ouvre mon courir, quelle missive affreuse ! Pétri par mes tremblements à l’ouverture d’un recommandé, inconscient du contenu. L’horloge a tournée, le délai de recours est dépassé.


Je jetterais les clés de ma soumission dans le ravin de l’inconscience. Et du fond du gouffre, sous les fagots et les inquiétudes, une graine germera.


C’est normal. Le jour se lève.

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