AU BORD DE L’ÉTANG

22h19, Le 28/08/21

La page blanche est une chose terrifiante. Prendre une plume pour tracer, surligner ma vie. Comment vous raconter autre chose que l’apesanteur, ce sentiment de vertige qui alourdit mes pas ? Voyageur du même train que vous, j’avance, les yeux bandés vers une destination quelconque. Nous sommes ensembles.


Sensés la prévoir, l’organiser, l’appréhender, tel un aveugle, je tâte, parfois j’hurle de joie, convaincu d’un horizon dessiné. Je l’aperçois, sa solidité me donne envie d’y croire.
Je suis un homme : J’ai des convictions mais les années ne laissent pas de place au superflu. Le surplus me surcharge, pourtant je m’en réjouis. Sur la buée glissante, la netteté apparait sous mes doigts et sur ce miroir de vie, rien ne s’efface. Face à mon image, je ne me reconnais toujours pas. Au fil de l’âge, la mémoire dans ma peau, il reste les vestiges du vécu, les promesses d’un avenir radieux.


Pourtant, je suis encore là, accoudé sur la rambarde du possible, contemplant l’horizon. Je connais cette scène, je l’ai ressenti des vies entières. Ce paysage est linéaire, un peu trop parfait pour moi. L’effort comme seul remède pour saisir, attraper la vie. Il y a quelque chose de céleste dans cette friction entre la perspective et l’accomplissement. Il y a quelque chose de funeste dans les conflits qui en résultent. Je garde l’œil ouvert, tout apparait à la fois en unité, malgré l’infinie dualité des concepts. Qu’en est-il de l’intime dans ce néant ? Je cherche une place dans un univers sans consistance, où les idées que je m’en fait se changent en brume, aussitôt les ai-je saisi qu’elles m’échappent.


Quelle est la bonne direction pour accomplir sa vie ? Plus je m’interroge et plus je l’ignore. Je me retourne vers mon passé trouble. Il reste 32 ans de questions incessantes qui me donne une seule réponse : Il n’y a pas de solution. Adieu la réflexion et sa logique partielle. Mon intuition me chuchote un souvenir : l’acharnement rend aveugle, elle voile l’évidence.


Alors j’ouvre les yeux, j’inspire à pleine narines, mon sang aussi pur que les mains d’un nouveau-né, pour contempler la réponse qui nous immobilise tous : Tout est là, devant nous et rien ne manque à ces instants. Ils se proposent en chacun de nous comme un don hors d’atteinte. Dieu est ici : Dans l’insaisissable.
Nous sommes dupés par notre propre condition d’êtres humains. Le temps passe, je m’accroche à mes actes, mes possessions, mes idées comme un supplicié au genou d’un bourreau. Il y a un désespoir touchant dans notre illusion commune. Ce sentiment si paradoxal d’accomplissement de soi, celui qui nous enterre au fil des années, est-il notre allié, ou notre ennemi ?


Je m’allonge dans un lit, ça n’a plus d’importance. Une heure, une journée, une vie coulent sur la mienne. Je m’endors, caressé par cette eau glacée, qui lisse les galets. De la rugosité nait la souplesse.


Voilà ma conclusion : L’adversité comme un souffle.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.