


DANS UN MARAIS
19h36, Le 07/11/21
Sommeil flashé par 2 phares xénons. La torpeur au bas ventre, un homme se rapproche. Je me repli sur moi-même. Caleçon Calvin klein oblige, j’enfile de majestueuses baskets façon tektonik. Faire une marche arrière, sans trop voir la direction, à 3h00 du matin : Une expérience surprenante. Blocage mécanique de l’électricité du véhicule, tazer à la main, je m’endors, l’esprit serein. La blague.
Comme les surprises n’arrivent jamais seules, même approche. 4h30 du matin. Bmw, 5 types dont la lumière se limite à celle des phares, me réveille une deuxième fois. Faute d’avoir gardé mes merveilleuses baskets indémodables pour dormir, j’ose une seconde marche arrière nu pied. Que de sensations nouvelles ! L’itinérance ! Une aventure pleine de petits plaisirs quotidiens !
Si les réveils matinaux vous dérangent, ce qui vient vous irritera ! Un petit déjeuner en somme classique. Un café, quelques tartines. Une matinée de création musicale. Rythmique et mélodies. Puis le moment fatidique ! Se sortir d’un carrefour qui s’apparente plus à une impasse qu’autre chose !
3 solutions s’offrent à moi : La première, un sentier en descente me rapprochant d’une rivière infranchissable, et d’un sentier trop contracté proposant une sortie vers le bord d’un champ de gazon. Le gazon, en été, c’est funky, on y roule avec des lunettes de soleil, et un morceau de Claude François. En automne, c’est plutôt tragico-comique, on sombre dans la mélodie dépressive de Bach la plus violente, les mains tremblantes sur le volant ! Donc on oublie l’idée !
La deuxième, un chemin en montée avec un talus tellement haut, qu’un tracteur ferait demi-tour. Disons qu’avec un véhicule comme le mien, où le PTAC est comment dire, aussi bien respecté que les normes de sécurités sur un chantier roumain ou tchécoslovaque, le talus, je vais surtout lui faire une nouvelle coupe, et rester plombé dessus avec les roues en l’air ! Solution à songer.
La troisième, la route par laquelle je suis arrivé dans cet enfer boueux ! Un chemin de terre complétement défoncé, avec des ornières larges et profondes comme les rides de Johnny Halliday après 30 ans de carrière et un cancer, c’est dire la violence. Des flaques bien pleines, une largeur de chaussée merveilleuse, aussi contractée qu’un jean taille enfant. Histoire de poncer une bonne fois pour toute l’intégralité de ma carrosserie au grain 10 finition introuvable à CASTORAMA, Gauche et droite, pas de jaloux. Avec une probabilité finement étudiée de 100% de chances de m’embourber à chaque virage, ou encore d’encastré la voiture au premier freinage.
Notons l’importance de l’accélération dans ce genre de circonstances désastreuses. Car s’il existe une seule solution viable, entendons dans viable le mot espoir, pire encore : désespoir. Face à la boue, la gadoue, un paysage paradisiaque complètement naze digne d’une carte postale d’un passionné de photographie armé d’un nokia 3310, qu’une seule chose à faire : On appuie comme une masse sur l’accélérateur dès que l’occasion se présente, on oublie surtout de freiner, et on serre les fesses à chaque cul de poule de 50cm de pas y laisser une roue, ou encore un morceau de pneu.
Voilà toute la magie des sentiers de forets : La magie de l’inconnu. Sous le liseré majestueux d’une flaque, une putain de crevasse de 80 cm de profondeur dans lequel on pourrait venir camper. Ou sinon, le gazon, encore plus vicieux. C’est tout vert, ça semble tout neuf comme un bébé qui sort d’une maternité. Méfiez-vous. Le gazon, c’est vicieux, c’est fourbe, ça vous prend comme ça, au détour d’un virage : BAM, voilà que vous vous retrouvez sur un terrain de drift, Vin diesel sort d’un taillis pour un give me five, les pneus se mettent à fumer, et vous vous retrouvez à piétinez l’accélérateur comme un déterré qui mord son frein.
La fumée qui rentre par la fenêtre sensée accueillir votre bras de touriste détendu sous un ciel d’automne.
Quelle idée ! La van-life en Novembre ! Pourquoi pas visiter Hanoi en pleine saison des moissons ! Quoi qu’il en soit, Cette 3eme solution, je ne l’ai pas pris. On dit dans le jargon moderne, jouons la SAFE !
J’ai donc minutieusement fait marche arrière autant que possible, prêt à partir dans le décor comme si je pilotais un dragster sur un circuit. Je ferme mon casque de pilote de F1, J’allume délicatement la radio, ACDC vient me porter secours d’un « HIGHWAY TO HELL ». Quel contexte sublime pour se planter magistralement.
J’accélère progressivement, glisse un peu, mon élan se renforce, je prends la direction de la 2eme solution, mon pneu avant droit se soulève presque du sol, en plein virage, le châssis de la voiture arrache encore soudainement plus de pelouse que le ferait un tracteur John Deere dernier cri.
150 kilos de bouse accroché au-dessous de la bagnole, me voilà à glisser sur le talus, Pétard mouillé, je fais 5mètres, braque à droite à gauche avec une débilité majestueuse, j’accélère, j’accélère encore, puis constate que la seule chose qui accélère, ceux sont mes pneus, car le véhicule est suspendu en l’air, et les pneus ne touchent pratiquement plus le sol.
Wonder Bach ! Voilà comme on flingue une demi-journée, en moins de 5 minutes. Bloqué, complétement bloqué. A hurler comme un con au milieu d’une foutue foret dont tout le monde se fout éperdument. Je shoote dans mon pneu, le menace armé d’un carton de riz Uncle Ben’s dont les grains de riz décorent la boue environnante. Ça fait mariage de mauvaise circonstance, et puis bref, on s’en fout au moins ça décore. Et puis quelque part, c’est beau de la gadoue au riz blanc, ça fait paillette.
Consterné, je m’assoie devant ma connerie, je l’admire et m’en félicite. Bien joué Jeannot ! Je pressens à quel point la suite de la journée va être un régal.
Une idée incroyable me vient, comme toute personne embourbée raisonnablement désespérée, me dis-je : « Tiens, et si j’accélérais de nouveau, ou si je faisais marche arrière, me voilà surement si rapidement sortit d’affaire ! » Mais quelle illumination ! Mais c’est bien sûr !
Devinez quoi ! J’ai creusé en l’espace de 40 secondes, 4 belles ornières en accumulant le peu de terre qui restait en contact avec mes roues. De telle manière que les 2 tonnes de mon véhicule sont tranquillement installées sur le talus. Putain de magique !
Alors que fait-on lorsqu’on est coincé de la sorte ? On part à la chasse aux cailloux. Mais cette fois, on s’explose les doigts à les sortir de la terre. Cette Foutue terre qui évidemment, est SÈCHE et dure comme de la pierre UNIQUEMENT à l’endroit où l’on peut trouver des putains de cailloux !
Les pointes de mes doigts sont rouges écarlates, avec de la terre jusqu’aux coudes. Fier de mon affaire, je positionne finement mes cailloux derrière chacun de mes pneus. C’est beau l’espoir, ça rend naïf et innocent ! La seule chose à laquelle ont servi mes cailloux, c’est changer le bruit des pneus qui patine dans le vide ! J’enrage.
Je sors mon Krik de voiture. Et l’installe derrière chaque pneu. L’idéal quand on installe un krik, c’est de le mettre sur un sol meuble et mouillé. De cette manière, vous vous assurez une bonne dose de sueur gratuite, et par la même occasion, de vous flinguer les doigts à force de tourner de constater une seule chose : Le pneu n’a pas bougé d’un centimètre, et le krik s’est enfoncé de 20cm dans la bouse !
Désespéré par les pochoirs de terre que j’ai sortis du dessous de ma voiture, seule réussite de la journée, je pars en quête de branches ! Et quelle aventure ! Couper des branches avec une scie à métaux ! C’est aussi efficace que casser un mur avec une cuillère !
Mais on se l’est dit : On est là pour l’aventure et l’expérience ! L’itinérance et toute sa magie !
Je tente d’arracher des branches, j’ai l’impression d’être sur un ring de boxe, les jambes dans les ronces, j’arrache mon jogging, je me retrouve à moitié à poil, une scie à la main, qui a entaillé avec fureur à peine 2millimetres du tronc. Je parviens après de forts coup de reins a cassé une branche, et me prend un retour de l’arbre en pleine tronche, pour finir vautré, le jogging sur les genoux, le cul dans les ronces.
Fier de ma connerie, je ramène mes branches comme un trophée, j’en cale une derrière chaque roue. A ce stade, j’ai oublié l’espoir. On va faire sans ! Je les encastre solidement sous chaque pneu, puis m’en vais réciter le bénédicité en mangeant rapidement une conserve de thon, avec un peu de sauce soja pour donner de la saveur à ce moment privilégié.
Hallelujah, je m’installe devant mon volant, puis j’avance, puis aussitôt recule. Je répète l’action une bonne centaine de fois. Il y a tellement de fumée que je ne sais plus si ma voiture est bien au milieu d’une forêt ou au cœur d’un incendie. A cette étape, je m’attends plus à finir sur les jantes que sur la terre ferme. Mais comme tout bon chrétien j’insiste. Je m’acharne. Encore. Et j’entrevois entre 2 nuages de fumée, un chasseur arrivant au loin. Je lui lance un coucou détendu de ma fenêtre, en manquant de m’étouffer par la noirceur de la fumée.
Le voilà qui rapplique, et pousse l’avant de la voiture. Il manque d’exploser à chaque fois qu’il s’actionne. On sent que son petit déjeuner n’était pas diététique. Encore moins catholique.
Mais après tout, finalement, c’est grâce à lui que je sors de l’ornière.
Conclusion de l’histoire : On dit que les chasseurs sont cons, moi je les trouvent sympa !