AU PIED D’UN ARBRE
19h00, Le 23/07/22
Je regrette, je n’ai pas envie. Communiquer grâce aux outils qui l’ont détruite, partager ce qui doit être découvert par soi-même pour trouver sa propre voie, diffuser à tort et à travers alors que je rêve de modération et de sobriété, se plier à la politique des réseaux sociaux quand je rêve que le monde s’en désinscrive, trouver la meilleure méthode, la plus performante pour devenir une machine de plus, cumuler les likes et se sentir différent et important, tellement plus malin, une fois célèbre, vendre un livre pour étoffer mon compte en banque, gonfler le ballon narcissique de notre société malade, participer au désastre, accumuler les vues sur un compteur comme seul gage d’intérêt, démolir l’environnement pour diffuser des heures de contenus stockés sur un data-center, pour revendiquer une sobriété de façade.
Non, je ne veux pas donner l’impression d’avoir mieux compris certaines choses que les autres, simplement car ma vie n’a rien d’extraordinaire. Que le merveilleux se trouve en chacun de nous. Parlez de soi ? Encore ? Mes possessions, mes réussites, mes échecs, mes astuces, surtout pas mes vices, mes mesquineries, mes mensonges, surtout pas. Je ne supporte plus ces vidéos liftées, ces posts édulcorés, ces paysages léchés, le sourire de la 38eme prise, les anxiolytiques derrière les cadences de diffusion, les badbuzzs et les antidépresseurs qui vont avec, le temps dont on manque pour le gaspiller devant un écran pendant des mois, des années.
Du visuel jusqu’à l’écœurement. J’ai 32 ans, et mes sens sont usés. J’ai honte de découvrir seulement à cet âge la magie des forets, connaissant plus de noms de centre commerciaux que de domaines protégés.
Tout est confus car ce monde sature. Je suis lassé par la productivité et sa rentabilité. Chacun de nos raisonnements n’ont qu’une seule logique : l’argent. Fatigué qu’on entretienne exclusivement de ce qui possède une valeur marchande.
Je regrette. Je n’ai pas envie. Je lutterais.
