AU BORD D’UN BARRAGE

11h20, Le 13/03/22

Une nuit troublée. La cause ? une confrontation brutale, presque terrifiante. L’évanouissement de la dualité dans l’acceptation de l’inconfort. Tenter la liberté absolue, sans entraves matérielles, sans obstacles intellectuels, sans hordes de pensées qui se dressent telle une muraille intangible.


C’est peut-être la lutte elle-même qui offre son soupçon libérateur. S’affranchir de soi, s’affranchir de l’être, s’affranchir dans l’abandon. Laissez la brume délicate tout emporter, sans retenir. Abandonner notre propre pesanteur. Sans nausées matinales d’effleurer nos vies propres sans jamais les vivre totalement sans exigences.


Marcher, soulever la masse du monde à chaque foulée, ému d’une interaction simple, parfaite. A chaque pas, vibrer de chaque molécule précieuse qui nous pénètre, nous accueille en nous-même.


Combien d’années faut-il pour en arriver à l’évidence ? Quand peux t’on vraiment respirer de l’innocence enfantine bien vécue de tous ? L’écolier, le regard sans voile. Il n’y a pas de souvenirs adolescents, de réminiscences de ma mémoire qui ne me brûle pas la gorge et les nerfs. Cette charge, incommensurable, de devoirs vains, d’espérances obsolètes, d’échanges sourds et hypocrites, de visages fissurés, de cœurs craquelés, m’arrache l’urgence.


Alors je brutalise le sol avec fracas, chaque avancée telle un hurlement enragé, butant avec force au cœur d’une verdure réconfortante. Lutter pour se sentir être, pour transcender l’inexistence. La douleur, ce masochisme contre toute attente me réconforte. Souffrir, une soudure à l’inconsistance du présent, de l’instant et nous voilà vivant dans l’absolu.


Au milieu des lances forestières, pointant le ciel de branches infinies, toutes mes emprises sont vaines, encore et encore, me voilà saisi, et d’un grain de sable écoulé, déjà évanoui dans un néant vertigineux. Terrifié de tomber immédiatement, me voilà pourtant debout. Je suis là, c’est indéniable, et absent à moi-même. Incapable de me contenir dans ma propre existence.


Penser me sonne tel un mensonge, une duperie. Que manque-t-il pour inlassablement poursuivre l’illusion du harcèlement mental ? N’y a-t-il pas déjà bien assez ? La conscience telle une pénitence. L’absolu, c’est l’absence. L’enfer, c’est l’autre. Autre que le maintenant. Autre que ce qui est, contre lequel il est insolent e lutter. Chaque goutte, chaque larme d’idée dans cet océan d’hallucinations naturelles est une trahison de l’expérience. Un affront prétentieux.


Chaque sonorité m’accompagne alors dans une jouissance naïve, et l’univers s’offre, comme une femme s’abandonne dans sa diligence et sa forme radieuse.


Un jeudi, qu’importe, ce matin, j’ai foulé ce simple bosquet, j’en reviens débordé par l’émotion. Tremblant de percevoir une gratuité sans promotions placardées. Une telle offrande me comble. Je sens mon souffle en parfaite synchronie. Sans fausses notes, cette mélodie me berce jusqu’à mon modeste refuge.
Ce matin, j’étais ici, bel et bien, et je vous l’avoue, rien n’a manqué.

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