



DEVANT UN LAC
15h34, Le 29/08/21
Éoliennes et perfusions. A quel instant l’évidence s’est-elle estompée ? S’est-elle noyée dans un torrent de superflu ? J’ai épongé des années durant les dogmes, lessivé les habitudes, récuré les clichés, décrassé les aprioris, mais me voilà pourtant encore au point de départ. Un inlassable commencement, une partie qui n’en finit jamais. A mesure des années, il y a les coups, mais plus les cris. Il y a la douleur, mais sans les bruits. On nage, se noie dans un bourbier d’attentes, d’espoirs. On sait pourtant, on le sait trop, mais on persiste à poursuivre l’inutile. Courir des lièvres, c’est un jeu pour les malheureux. Les dés sont pipés d’avance.
On dresse un bilan, on pose les lunettes au bout du nez, attentif, leurré par une emprise imaginaire sur l’existence. Concentré, on s’affaire, vigilant. On dresse des barricades d’idées, des remparts conceptuels contre une adversité illusoire. On se prépare, on anticipe, on se remémore les dangers qui n’arriveront plus. On anticipe ce qui ne se produira certainement jamais, on prépare toujours plus qu’il n’en faut. Et le théâtre se répète chaque soir devant une foule convaincue.
Combattre comme finalité même, se défendre par principe, quel désastre. Me voilà assis. Saisi d’une stupéfaction. Spectateur d’une existence inaccessible qui m’échappe sans cesse. Cette femme : gestuelles, veste en cuir, crane écrasé entre les épaules. L’usure se dessine derrière ses rires. La cigarette noircit ses exclamations, un homme l’écoute. La jambe rythme l’échange d’un balancement C’est ennuyeux, c’est l’alcoolisme et ses réponses brèves.
Au cœur du vide que faut-il trouver ? Y a-t-il des questions à résoudre ? Des solutions à imaginer ? pour les gommer il me reste l’argent, les drogues, les dogmes, la discipline, l’emprise, l’attachement, la réussite sociale, les honneurs. Que de moyens inefficaces.
Le néant, à la fois vertigineux, et réconfortant me stupéfait. Voila. C’est donc cela des pensées négatives ? Comment pourrais-je observer d’un œil joyeux le monde qui m’entoure ?
Le flot de saveurs, l’entrée telle un ventilateur d’odeurs. Bières, destins oubliés tels qu’ils sont. Ces âmes subsistent, et la qualité de leurs rires ne compte pas. Ils vivent. Rien n’est plus véritable et beau. Tous agenouillés devant nos propres attachements, j’ai envie de les aimer tant ils me sont semblables. Tous. Sans exceptions dans toute leur fragilité.
Quelle importance finalement ? pourquoi revendiquer une différence ? Tort ou raison, que reste t’il lorsque l’individualité disparait ? Une race, une espèce que tout rassemble. Dépassé par notre propre progrès, J’ai le sentiment intime d’une réactivité qui n’a plus lieu d’être, qui me bride, m’empêche d’aimer sans penser. L’amour inconditionnel n’est pas un mythe, j’en suis certain.
Nous sommes menottés à notre passé d’animal. Nous réagissons à un danger qui n’est plus. Il me reste le temps que la vie voudra bien me donner pour m’en défaire. Aspirer à une vie dense de sens. Chargée de douceur et d’amour.